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Quand les romanciers mènent l'enquête
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Quand les romanciers mènent l'enquête

Un article rédigé par JD - RCF, le 3 novembre 2023  -  Modifié le 3 novembre 2023
Au pied de la lettre Quand les romanciers mènent l'enquête

Quand les enquêteurs n'arrivent pas à élucider le mystère d’une enquête, les romanciers peuvent prendre le relais en faisant fonctionner leur imagination et en cultivant une frontière ténue entre réel et fiction. 

© AlexLeigh7 / Pixabay © AlexLeigh7 / Pixabay

Dans "Il faut toujours envisager la débâcle" (éd. Calmann Lévy), Laurent Rivelaygue se lance à la poursuite d’un criminel recherché par la police depuis 35 ans. Frédéric Viguier propose quant à lui de rétablir un homme accusé par la justice dans "La vérité n’aura pas lieu" (éd. Plon). Ces deux livres ont en commun, entre autres, de traiter de faits réels et de mettre en scène des écrivains. 

 

Comment en arrive-t-on à écrire un roman d'enquête ? 


D’abord auteur de théâtre et romancier, Frédéric Viguier signe son troisième ouvrage avec "La vérité n’aura pas lieu". "Quand j’écris, je ne suis pas physiquement présent : je ne vois pas le temps passer", confie l’écrivain, dont le personnage - et narrateur - est obsédé par la question de la vérité. Laurent Rivelaygue est pour sa part plutôt un habitué de la bande dessinée et des livres pour enfants. Son passage au roman de grande affaire criminelle lui "est tombé dessus". 


Mettre en scène des écrivains : un autre soi ?


A l’origine du livre de Frédéric Viguier, il y a la demande d’une lectrice. "Elle m’a contacté en me demandant d’écrire un livre pour réhabiliter son fils. Il s’était suicidé après avoir été accusé de pédophilie", raconte l’écrivain. Frédéric Viguier écrit donc ce livre et le donne à la lectrice, avant de se lancer dans la rédaction de "La vérité n’aura pas lieu" où il met en scène un auteur en panne d’inspiration qui s’intéresse à cette affaire. "On m’amenait un fait divers sur un plateau", avance-t-il. Cette mère endeuillée qui le contacte "mettait la littérature au-delà de tout. Si son fils était présenté comme un héros dans un livre, plus personne ne pouvait rien dire"


La littérature pour réhabiliter, donc. "Je fais partie des utopiques qui pensent que la littérature est d’abord une manière de dire les choses", confie Frédéric Viguier, qui estime que le véritable sujet de son livre est l’histoire d’un homme qui perd pied et d’une mère qui se fait le meilleur avocat de son fils et "qui incarne à elle seule le sujet d’un roman". L’auteur fait le choix de raconter la vérité selon le point de vue de différents personnages, de la veuve à la fille en passant par la mère. "On a chacun notre vérité. La littérature n’a pas pour mission d’apporter des réponses". 


L’auteur de "Il faut toujours envisager la débâcle" raconte l’histoire d’un journaliste au chômage en panne d’inspiration. Le personnage – et l’auteur – s’intéresse ainsi à une série d’agressions et de meurtres commis par Le Grêlé. "C’est l’histoire la plus ancienne encore ouverte à la police judiciaire de Paris. Les faits ont été commis il y a 35 ans et il court toujours", explique l’auteur. Laurent Rivelaygue se plonge alors dans un "très long feuilleton" et mène une vraie enquête : "je suis allé jusqu'à retrouver des anciens annuaires des années 1980". Et même s’il est conscient qu’il n’est pas policier, il se lance avec "une vraie envie de trouver la vérité. On est persuadé à un moment qu’on va résoudre l’affaire"


Mener l’enquête


"Un écrivain n’a pas besoin de vivre les choses pour les ressentir", écrit Frédéric Viguier. Ce postulat s’applique aux deux auteurs. S’il a accès à des documents fournis par la famille, Frédéric Viguier ne souhaite pas rentrer dans l’intime des personnes concernées et fait appel à la fiction quand il estime que c’est nécessaire. 


"Ça peut devenir addictif et obsessionnel de s’intéresser à une telle enquête", reconnaît Laurent Rivelaygue. Pour lui, cette obsession est comparable à la paranoïa : "je voulais absolument trouver des éléments qui alimentaient ce qui m’intéressait et laisser de côté ce qui ne rentrait pas dans les cases de mon enquête". Quant à la "forme de réalisme terrifiante" qui traverse son livre, il reconnaît que "c’est assez glaçant"


Le narrateur étant journaliste, l'auteur opte pour une écriture assez journalistique avec beaucoup de contextualisation. "Ce qui sauve mon personnage, c’est qu’il essaie tout le temps. Il va d’échec en échec mais s’obstine", explique Laurent Rivelaygue, qui peint aussi bien les années 1980 que l’époque contemporaine : "derrière l’humour qui traverse parfois mon livre, j’ai essayé de mettre le doigt sur nos rapports actuel à Internet et aux réseaux sociaux ». L’auteur propose ainsi une petite critique sociale dans son roman-enquête, allant au-delà de la simple enquête judiciaire.

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©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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